Les intellectuels contre la théocratie ?
D’un côté les intellectuels traditionnels, théologiens et philosophes, délient religion et politique pour penser le fonctionnement démocratique de leur pays et mieux spécifier et protéger chacun de ces domaines d’action. De l’autre, des intellectuels minoritaires, avocats, journalistes, activistes, laissent de côté les questions religieuses et mobilisent au plus large pour affirmer la dignité des citoyens au quotidien, au nom de la justice sociale, de l’égalité entre hommes et femmes, des Droits de l’homme. Les uns et les autres récusent de fait tout régime théocratique.
La révolution iranienne n’a pas eu pour unique conséquence le renversement du régime du Shah et l’instauration d’un régime théocratique qui se fonde directement sur la version chiite de l’islam. Elle a contribué, à sa manière, à la sécularisation du religieux et à la délégitimation du système théocratique. Le déclin du communisme, la fin de la guerre (1988) et la mort de l’ayatollah Khomeiny (1989) ouvrent une nouvelle ère. Celle-ci est marquée par le désenchantement révolutionnaire, par la perte du charisme lié au pouvoir religieux et la remise en question de l’idéologisation de la religion.
Après la première décennie de la révolution iranienne on voit émerger, au début des années 1990, le phénomène des intellectuels post-islamistes [1]. Ils revendiquent, au nom de l’islam, une séparation des motifs idéologiques islamistes et du champ politique. Cet acte, qui remet en cause l’imbrication étroite du politique et du sacré sur laquelle est bâti l’islamisme politique, n’a rien d’un faux fuyant, et s’inscrit pleinement dans la tradition islamique [2] : c’est au nom du religieux qu’ils entendent séparer le politique du religieux, la séparation se prévalant de la légitimité religieuse et non d’une conception laïque, indépendante du religieux. Ils demandent, au nom de l’islam, l’autonomie de la sphère politique, afin de cantonner le premier dans son domaine propre (la spiritualité, l’intériorité du croyant, chez Abdolkarim Soroush [3] et Mojtahed Shabestari [4]) et d’assurer au politique, susceptible d’être critiqué et interprété de manière conflictuelle, sa fonction exclusivement humaine et immanente. Le religieux doit servir uniquement à fonder la légitimité transcendantale du politique, sa condition formelle de possibilité. Ils réclament la démarcation du religieux et du politique à partir même des exigences internes à la religion, pour assurer au croyant son autonomie spirituelle face aux vicissitudes du politique et, en particulier, face à une conception théocratique qui dénie l’autonomie spirituelle à la vie religieuse en la dissolvant littéralement dans le politique. Pour ces intellectuels, en voulant islamiser la politique on a indûment politisé l’islam en lui ôtant sa spiritualité à force d’idéologisation. Ces intellectuels, issus de la révolution iranienne, prennent progressivement leurs distances par rapport à la politique dominante et construisent une nouvelle approche de la religion en rupture avec la théorie de velâyat-e faqih (doctrine officielle de la République Islamique, fondée sur l’hégémonie absolue du Jurisconsulte islamique tel qu’il était incarné par l’ayatollah Khomeyni et ensuite, l’ayatollah Khaménéi). Ils contestent la légitimité religieuse de la théocratie chiite, comme Mohsen Kadivar qui remet en cause ses antécédents en montrant que les hadîth (les Dires du Prophète) sur lesquels est fondé le velâyat-e faqih sont « faibles », peu fiables, puisque datant d’une période tardive [5]. Leur but explicite est de promouvoir une version du religieux qui justifie l’ouverture de la scène politique au pluralisme.
Les théologiens réclament la démarcation du religieux et du politique pour assurer au croyant son autonomie spirituelle.
Plusieurs thématiques caractérisent ce mouvement intellectuel : une critique du pouvoir religieux incarné par le Guide (rahbar) ; une approche de la religion qui la rende compatible avec la modernité pluraliste ; une conception de la démocratie qui laisserait une place à la religion, sans pour autant que celle-ci fonde la légitimité du pouvoir, sinon sur un plan métaphorique ; une participation, parfois directe et consciente mais aussi indirecte voire inconsciente au processus de délégitimation du pouvoir religieux, et la sécularisation de la pensée religieuse.
Il existe, certes, une affinité élective entre ces intellectuels mais leur démarche se différencie selon leur formation initiale ou leurs intérêts théoriques.
Soroush s’appuie sur l’héritage philosophique de l’Occident et sur une version mystique de l’islam pour remettre en cause la politisation de la religion, et procède à une critique de la monopolisation du pouvoir par le clergé [6]. En introduisant une distinction entre le texte sacré et son interprétation, il ouvre une voie permettant une remise en cause des interprétations du clergé sans mettre en doute le caractère sacré du texte et de la religion. Selon lui, les découvertes scientifiques permettent une nouvelle compréhension du texte sacré et modifient le regard du croyant sur sa propre religion. Il explique que le Coran, en soi, est muet [sâmet] et que ce sont les croyants qui, à travers leurs connaissances et leurs expériences, interprètent le texte et le font parler.
En matière de gouvernement, il reprend la théorie de Popper sur l’État moderne et sur la critique du totalitarisme. Selon lui, l’exercice du pouvoir, dans ses modalités, relève de la science et de la technique et n’a rien de religieux. Un gouvernement fondé sur l’islam n’est possible que dans un pays à majorité musulmane. Bien que nécessaire, cette condition ne suffit pas, car le gouvernement se fonde sur le droit des citoyens, et celui-ci n’est pas religieux. Le droit musulman, en tant que science séculière, peut participer aux réflexions sur l’organisation de la société mais il ne peut pas se présenter comme seule source du droit et il n’a aucun caractère sacré.
Soroush cherche à réconcilier la pensée islamique avec les idées rationalistes et libérales venues d’Occident. S’opposant à l’absolutisme politique, il critique ouvertement le pouvoir du velâyat-e faqih et tente de défendre un système politique qui serait neutre en matière religieuse.
Dans ses premiers écrits il a soutenu la possibilité d’un gouvernement démocratique religieux à même d’utiliser tous les moyens permettant le développement du pays sans pour autant intervenir dans le domaine de la croyance et de la conviction. Un tel gouvernement doit garder sa neutralité et ne peut pas forcer les citoyens à adhérer à une religion, ni contraindre les croyants pour les conduire au paradis. Le gouvernement religieux est fondé sur le seul droit non religieux des citoyens : « Il ne faut pas attendre de grande différence de forme entre le gouvernement démocratique religieux et les autres formes de gouvernement démocratique. Si, dans le monde des hommes raisonnables, on marche sur ses deux pieds, il n’est pas possible pour les religieux de marcher sur la tête. Où est le problème si les autres peuples arrivent aux mêmes conclusions que nous sur la question du gouvernement ? ». [7]
Le dilemme que Soroush tente laborieusement de surmonter est le suivant : comment déduire la démocratie, fondée sur la citoyenneté sans considération de l’appartenance religieuse, d’une vision religieuse où l’islam intervient en théorie activement et où la citoyenneté est surdéterminée par elle ? Son tour de passe-passe dialectique consiste à dire que les êtres religieux sont des êtres raisonnables et que leur conduite, en matière des relations sociales et politiques, n’est pas différente de celle des autres citoyens raisonnables, dans des démocraties laïques. Par conséquent, une « société civile religieuse » sera comme une société civile tout court pour ce qui est des relations politiques et sociales. Si cette équivalence est valide, dès lors pourquoi parler de la « société civile religieuse » et pas de la société civile ? Cette vue des choses feint d’ignorer le problème crucial de la citoyenneté qui ne saurait trouver une restriction dans l’appartenance religieuse. Mais c’est dans ce type de « sophisme » que réside en un sens la dimension « libératrice » de la vision des intellectuels religieux tels que Soroush. Ils postulent le fait que la religion et la raison citoyenne ne sont pas en contradiction et que par définition, sur le plan politique, elles doivent se rejoindre. Cette injonction ne répond pas à la question épineuse du rapport entre le politique et le religieux dans une perspective islamique, mais sur le plan social, légitime la position des partisans de la réforme au sein de la société iranienne. La dimension pratique, voire pragmatique, prime sur la dimension purement théologique, voire discursive.
Si Soroush se réfère à l’épistémologie des sciences pour mettre en cause le caractère sacré des textes produits par les savants religieux, un clerc comme Mojtahed Shabestari s’inspire du courant herméneutique philosophique et religieux pour soutenir une pluralité de lectures de l’islam et critique la « version officielle de la religion ». Pour lui aucune compréhension de la religion ne peut se prévaloir d’un caractère sacré, dans la mesure où cette même compréhension est un phénomène humain.
Pour lui, le défi auquel est confronté le monde musulman réside dans son rapport avec la démocratie. La possibilité d’une démocratie islamique fait problème et la nécessité d’un pouvoir démocratique est affirmée. Pour Shabestari, la démocratie n’est ni islamique ni anti-islamique. Elle n’est qu’une forme de gouvernement et une modalité de gestion de l’espace public et politique. Il ne s’agit pas de soutenir une démocratie islamique, mais de soutenir la démocratie des musulmans. À savoir une démocratie fondée sur la liberté et l’égalité, et dans laquelle les musulmans peuvent vivre et mettre en pratique leur foi. Il ne faut donc pas chercher dans le Coran ou dans la tradition les prémisses d’une démocratie quelconque mais défendre rationnellement cette forme de gouvernement qui s’oppose à tout totalitarisme et à toute dictature, de quelque nature qu’ils soient. « Aucune religion ne prescrit une forme particulière du gouvernement, écrit Shabestari. Cette règle est valable aussi pour l’islam. Le Prophète, s’agissant du mode de gouvernement, suivait les règles de son temps et n’a en rien été le fondateur d’une forme spécifique du pouvoir. Ce que nous trouvons dans les principes d’inégalité entre croyants et non-croyants, entre hommes et femmes, contenus dans le Coran, la tradition et les fatwas des jurisconsultes islamiques (foqaha) était lié aux contextes sociaux et historiques de son époque. Il est tout à fait loisible aujourd’hui de penser autrement » [8]. Il récuse toute possibilité d’extraire les principes de l’organisation de la vie des musulmans en ayant recours au texte sacré ou aux principes religieux.
Le religieux Montazeri défend un pouvoir politique fondé sur la raison.
Formé dans les écoles théologiques mais influencé par son maître Motazéri, Mohsen Kadivar prend de son côté ses distances vis-à-vis de la République islamique en critiquant la théorie de velâyat-e faqih comme la seule option pour gouverner le pays. Dans plusieurs de ses livres, il expose les différentes conceptions de l’État islamique, met l’accent sur l’existence d’une pluralité de conceptions de l’État islamique et montre la position minoritaire des défenseurs de la théorie de velâyat-e faqih . En fondant sa démarche sur la tradition savante chiite comme sur les sciences politiques, Kadivar ouvre une nouvelle voie à la critique interne de l’État islamique sans pour autant refuser le rôle que joue la religion dans la vie politique du pays. Religieux, enturbanné, élève du grand ayatollah Montazéri, docteur en sciences politiques, il a toutes les qualités requises pour affronter les théoriciens du pouvoir absolu iranien.
Il utilise la pluralité des interprétations du pouvoir clérical pour récuser la lecture officielle, et défend un pouvoir politique fondé sur la raison. Sa position sur la démocratie s’inscrit à un carrefour : conception moderne du pouvoir, elle garde néanmoins le souci de préserver la religion tout en l’inscrivant dans l’espace public. Il refuse une République islamique mais soutient le droit et la capacité de la religion de proposer de grandes orientations de société. La religion ne rompt pas avec le politique mais doit veiller à ce que les lois ne soient pas en contradiction avec les principes religieux essentiels. Cette position le sépare des défenseurs de l’islam politique, et elle le différencie aussi de certains intellectuels religieux.
Enfin Eshkevari, se réclamant de l’héritage de Shariati [9], s’en démarque progressivement et soutient une conception laïque du pouvoir politique. Dans ses écrits, il remet en cause l’origine divine de tout pouvoir politique et considère que Dieu a délégué son pouvoir au « genre humain » et que l’homme, en tant que « vicaire de Dieu », a la possibilité d’exercer son pouvoir et son autorité collectivement. Puis il conclut que « les musulmans n’ont d’autre choix que la démocratie, car les autres formes de gouvernement ont échoué et, en pratique, ont abouti au déclin ».
Eshkevari présente son analyse de la forme du gouvernement dans les termes suivants : « Je pense personnellement que le gouvernement du Prophète ne faisait pas partie de sa mission. Autrement dit, l’exercice du pouvoir politique ne lui confère pas son statut de Prophète. S’il n’était pas allé à Médine, il aurait quand même réalisé sa mission prophétique et rempli toute sa responsabilité ». « Dans le Coran, il y a six mille versets, dont seulement cinq cents traitent des prescriptions pratiques… Il est donc évident que ces cinq cents versets sont insuffisants pour gérer des sociétés actuelles très diversifiées » [10]. Il soutient que les lois religieuses, plus précisément les préceptes sociaux de l’islam, sont liées au contexte historique de la naissance de l’islam et qu’aucune raison ne permet de les appliquer telles quelles dans d’autres contextes historiques, géographiques ou culturels.
Ces intellectuels religieux participent, à leur manière, à une sécularisation de la pensée religieuse qui prend une nouvelle tournure dans l’Iran post-révolutionnaire. On peut globalement distinguer deux types de sécularisations successives en Iran à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Dans un premier temps s’observe un mouvement qui « détraditionnalise » le religieux en le politisant dans le sens révolutionnaire (Shariati, Khomeyni, Tâléghani, Motahhari etc. en ont été les protagonistes). La politisation intervient alors comme un opérateur d’immanence, elle brise la transcendance du religieux traditionnel, ouvre un espace où, en référence au « peuple musulman », un nouveau type de religiosité émerge et où les concepts clés de l’islam chiite se mobilisent pour théocratiser le politique et pour politiser le religieux. Les catégories religieuses se sécularisent sous une forme populiste où la référence au peuple remet en cause la vision transcendante de la religion.
Dans un second temps, s’amorce un nouveau type de sécularisation, qui correspond à la délégitimation progressive de la théocratie islamique et à l’ébauche d’un nouveau rapport entre le religieux et le politique, en continuité avec l’immanence inaugurée par le premier type de sécularisation. Ici, s’opère l’individualisation du religieux, et la dichotomie théologiquement argumentée de l’intériorité du croyant et du monde politique et social. Les deux domaines sont décrétés incommensurables, la gestion du politico-social relevant dorénavant du peuple, l’intériorité du croyant du ressort de la spiritualité religieuse, et l’hétérogénéité entre les deux domaines étant marquée par l’impossibilité de passer de l’un à l’autre : le privé est la vie intime du croyant, le public le lieu du partage d’un pouvoir désormais profane. Cette seconde sécularisation est soucieuse d’introduire cette hétérogénéité afin d’empêcher le passage de l’un à l’autre.
Depuis une décennie, la question essentielle des intellectuels est le pluralisme politique et les moyens pragmatiques d’y accéder .
Depuis une décennie, on assiste à l’avènement d’un nouveau type d’intellectuel, beaucoup plus modeste, moins enclin à la vision idéologique, mais usant des Droits de l’homme, des catégories éthiques, mais aussi, des traités internationaux auxquels l’Iran a adhéré, pour réclamer la justice sociale, l’égalité homme/femme, et les droits liés à la citoyenneté. Ce type de posture intellectuelle, à laquelle les femmes prennent part de façon importante, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, n’adopte pas un rôle d’avant-garde comme chez les intellectuels iraniens (réformistes religieux inclus), mais un point de vue « modeste », cherchant, pour commencer, à soulever des questions précises sur des sujets bien circonscrits, comme le droit des femmes en matière de divorce, de la garde des enfants, ou de « droit de sang » (une femme vaut légalement la moitié de l’homme pour ce qui est des droits familiaux, mais aussi, en cas de meurtre). Ces « intellectuels intermédiaires » [11] mettent moins en question le pouvoir théocratique d’en haut dans sa globalité qu’en référence à la corruption, aux passe-droits des gouvernants, aux Droits de l’homme concernant l’intégrité de ses droits civiques, à l’habeas corpus… Ils ont moins le souci idéologique de l’islam ou de la laïcité que celui d’asseoir les fondements d’un pluralisme politique en partant du concret et en tentant de créer une opinion publique susceptible de se mobiliser pour établir les bases d’une société civile. C’est ainsi que les femmes ont lancé depuis une décennie la « Campagne pour un million de signatures », réclamant l’égalité de droit des femmes et des hommes, se souciant peu d’affirmer leur caractère laïque ou religieux et intégrant toutes celles et tous ceux qui acceptent le principe d’égalité de l’homme et de la femme, islamistes ou laïques. De même, de jeunes journalistes se font les protagonistes d’une société ouverte, sans se prononcer sur sa nature religieuse ou non. La question essentielle est désormais le pluralisme politique et les moyens pragmatiques d’y accéder, beaucoup plus que la défense d’un point de vue idéologique, islamique ou séculier. Ce nouveau type d’intellectuel recrute beaucoup parmi les blogueurs, femmes et hommes, mais aussi les journalistes, les avocats et les avocates, brisant ainsi l’homogénéité sociale et culturelle des intellectuels traditionnels. Nombre de jeunes activistes, dont ceux du Mouvement vert (juin-juillet 2009 et les années suivantes), qui se sont mobilisés pour défendre le citoyen et sa dignité (karamat), prônent une vision non-violente et font abstraction des sujets de dissension comme le rôle de l’islam dans la Cité. Ce nouveau type enfin (parmi lesquels les « intellectuelles intermédiaires » jouent un rôle essentiel, comme les avocates Noushin Ahmadi Khorasani et Nasrin Sotoudeh, l’activiste étudiante Bahareh Hedayat, la journaliste et militante des droits de l’homme Shiva Nazar Ahari…) se substitue progressivement aux « intellectuels religieux » qui avaient remis en cause la légitimité du velâyat-e faqih mais gardaient les traits essentiels des intellectuels d’avant-garde : primat de la théorie, de l’utopie, de l’idéologie. Le Mouvement vert a été, dans une grande mesure, le champ d’entraînement et d’exercice de ces nouveaux acteurs qui n’ont plus pour préoccupation majeure des enjeux théoriques globaux comme le rôle de l’islam dans la politique, mais s’assignent pour tâche d’affirmer la dignité du citoyen et de la citoyenne sur un plan éthique beaucoup plus que politique, dans la vie de tous les jours. La conséquence en est leur flexibilité, leur aisance à éluder un débat abstrait entre le religieux et le politique qui risque de les diviser, et leur détermination à défendre les principes moraux des droits humains dont ils affirment qu’ils sont autant islamiques que laïques. Les nouveaux mouvements sociaux (la révolution tunisienne en a été l’une des premières illustrations) sont le théâtre où s’exercent cette nouvelle génération d’acteurs, sa visée primordiale étant l’ouverture du système politique pour faire reconnaître les droits du citoyen et de la citoyenne. ■
Post-scriptum
Farhad Khosrokhavar, sociologue et directeur d’études à l’EHESS, travaille sur l’Iran contemporain, l’islam et, en particulier, l’islam radical et les révolutions arabes. Mohsen Mottaghi, est docteur en sociologie et ses travaux portent sur les intellectuels musulmans en Iran.
Notes
[1] Ces phénomènes ont été décrits dans deux articles : Farhad Khosrokhavar, « Les intellectuels post-islamistes en Iran », Awal, n°11, 1994, pp. 47-59, et « Les intellectuels post-islamistes en Iran revisités », Revue Trimestre du Monde, 1er trimestre 1996, pp. 53-62.
[2] Cf. Farhad Khosrokhavar, « Le nouvel individu en Iran, » Cemoti, n° 26, 1998, pp. 125-155 ; Farhad Khosrokhavar, Olivier Roy, L’Iran : comment sortir d’une révolution religieuse ?, Le Seuil, 1999.
[3] Forough Jahanbakhsh. Islam, democracy and religious modernism in Iran, 1953-2000, from Bazargan to Soroush, Pays-Bas : Brill Academic publishers 2001.
[4] Farzin Vahdat, “Post-revolutionary Discourses of Mohammad Mojtahed Shbestari and Mohsen Kadivar : Reconciling the Terms of Mediates subjectivity”, Critical Middle Eastern Studies, n° 17, Fall 2000 ; Mahmoud Sadri, « Sacral Defense of Secularism : The Political Theologies of Soroush, Shabestari, and Kadivar », International Journal of Politics, Culture and Society, Vol. 15, No. 2, Winter 2001.
[5] Mohsen Kadivar, Nazarrieh haye Doulat dar Figh’h e Shi’eh (Les théories de l’État dans la jurisprudence chiite), 1999, Nashre e Ney Publications, Tehran.
[6] Mehrzad Boroujerdi, Iranien intellectuals and the West, The tormented triumph of nativism, Syracuse : Syracuse university press, 1998.
[7] Mohsen Mottaghi, La pensée chiite contemporaine à l’épreuve de la Révolution iranienne, Paris, L’Harmattan, 2012 ; « Soroush ; un itinéraire intellectuel », Les mondes chiites et l’Iran, Sabrina Mervin (dir), Paris/Beyrouth : Karthala, 2007.
[8] Mojtahed Shabestari, « Naghdi bar ghéraaté rasmi az din » (une critique de la version officielle de la religion), éd. Tarhé no, P150
[9] Shariati est l’intellectuel religieux le plus influent à la veille de la révolution islamique de 1979. Il a su donner une vision révolutionnaire du chiisme qui a légitimé l’engagement des jeunes dans la contestation du régime du chah, cette fois au nom de l’islam chiite et pas des idéologies communistes.
[10] Yousofi Eshkevari H., Kherad dar ziâfat-e dîn [La raison au banquet de la religion], Téhéran : Ghassidéh, 1379/ 2000, pp. 10-38.
[11] Farhad Khosrokhavar, « Les nouveaux intellectuels en Iran », Cahiers Internationaux de sociologie, 2008/2 (n° 125).