Vacarme 13
automne 2000
À nos lectrices et lecteurs
Ce numéro, Vacarme 13 (automne 2000), est désormais archivé et tous ses articles sont accessibles dans leur intégralité. Vacarme aime la gratuité, mais une revue existe grâce à ces abonné·es.
Éditorial
traces
par Mathieu Potte-Bonneville
Il y a un homme, impossible de remettre la main sur son nom, je l’ai seulement croisé à la télévision (lui dedans, moi devant, ce qui ne simplifie pas les échanges), un homme donc, dont le métier consiste essentiellement en l’étude des traces de pas d’enfants préhistoriques. Il y a de beaux métiers.
Cet homme est parfait. Rigoureux, soucieux de peser ses paroles, avec ce pli de concentration un peu triste sur le front, ce rien de véhémence sous une syntaxe régulière à quoi l’on reconnaît (…)
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Entretien
Toni Negri
Le contre-empire attaque
Entretien avec Toni Negri. Lire →
Arsenal
guide pratique d’intervention dans les aéroports
par Le Collectif Anti-expulsion Ile-de-France
17 octobre 1961 : archéologie d’un silence
par Isabelle Saint-Saëns
avant-propos Lire →
festivals d’un film maudit
entretien avec Jacques Panijel Lire →
el menfi (l’exilé) — extraits
par Mohamed Rouabhi
La pièce El menfi (L’exilé) de Mohamed Rouabhi a été créée dans une mise en scène de Nadine Varoutsikos le 21 juillet 2000 à Ramallah, en Palestine. Elle sera jouée en Janvier 2001 à Épinay-sur-Seine, en France.
Premier extrait. Aubervilliers. 17 octobre 1961. 19h50
L’intérieur d’une maison en bois, dans le bidonville. Une femme enceinte dîne avec ses enfants.
DJAMAL Maman pourquoi y mange pas avec nous papa ce soir ? LA MÈRE Ton père va venir. DJAMAL Il travaille ? LA MÈRE Il (…)
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« On choisit un autre métier si on ne veut pas d’ennuis »
Entretien avec Brigitte Lainé et Philippe Grand. Lire →
Le PCF et la question algérienne (1959)
par Jean-Pierre Vernant
Durant la guerre d’Algérie, l’opposition interne du PCF, en rupture avec l’« esprit » et la discipline de parti, s’affronte durement aux positions de la direction : contre le vote des pouvoirs spéciaux en 1956, contre la condamnation des attentats du FLN en 1954, contre l’exclusion des communistes qui soutiennent le FLN. À la fin des années 50, c’est dans L’Étincelle, journal interne, et Voies nouvelles, périodique vendu en kiosque, animés par Victor Leduc et Jean-Pierre Vernant, que (…) Lire →
« pour un coup donné nous en rendrons dix »
par Stany Grelet & Isabelle Saint-Saëns
entretien avec Jamil D., gardien de la paix Lire →
petite biblio-filmo-sitographie portative et sommaire
par Isabelle Saint-Saëns
Principalement (mais pas uniquement) sur les massacres d’octobre 61
Bibliographie l’indispensable livre d’Anne Tristan Le silence du fleuve (Syros-Au nom de la mémoire, 1991)
Léopold Lambert Chronocartographie du massacre du 17 octobre 61 à Paris (octobre 2017, mise à jour octobre 2021) Fabrice Riceputi Ici on noya les Algériens - la bataille de Jean-Luc Einaudi pour faire reconnaître le massacre policier et raciste du 17 octobre 1961 (Le Passager Clandestin, 2021) William Gardner Smith (…)
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processus
L’Asie à Cannes
Asia is burning
par Irène Bonnaud & Jean-Philippe Renouard
avant-propos Lire →
« la vie ressemble à la musique de Bach »
entretien avec Edward Yang Lire →
le cinéaste et le papillon
par Anne Kerlan-Stephens
Edward Yang aime les constructions parallèles, les résonances, les croisements improbables, fruits d’errances dans l’univers multiforme qu’est Taipei. Yi Yi offre au premier abord une construction simple puisqu’il y est question d’une seule famille et des trois générations qui la composent. Mais là s’arrête la linéarité, le film se construisant en strates qui se recouvrent sans jamais se correspondre. Ainsi lorsque NJ, le père de famille, évoque au Japon l’histoire de son premier amour, sa (…) Lire →
le téléphérique suspendu
entretien avec Hong Sang Soo Lire →
temps perdu, temps retrouvé ?
par Irène Bonnaud
On a su beaucoup de choses du tournage interminable de Wong Kar Wai avant que le film ne soit achevé (soit deux jours avant sa projection à Cannes ; on avait même entendu parler de quatre ou cinq scénarios dont on voyait mal le rapport entre eux (Maggie et Tony à Pékin, Maggie et Tony ouvrent un restaurant, Maggie et Tony dans l’espace, etc), et, même après la projection, on rigolait bien en voyant que les photos dont les producteurs avaient orné l’affiche et les dossiers de presse étaient (…) Lire →
7 coquillages / le deuil éblouissant
par Jean-Philippe Renouard
« Quel est mon degré de culpabilité ? » dit le condamné dans le couloir de la mort. « Ma mort ne ramènera pas cet homme, elle ne fera qu’une nouvelle victime. »
Quand il était petit, Aoyama Shinji aimait beaucoup les westerns et quand il préparait le tournage d’Eureka, il pensait souvent à La prisonnière du désert de John Ford, The Searchers. C’est ce nom qu’on pourrait donner à la poignée de personnages de son film, survivants d’une prise d’otages meurtrière. Road movie de 3h40 où rien, (…)
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reprendre la montagne du tigre en passant par Dallas
par Gregory Lee
Guizi Lai Le, second film comme metteur en scène de Jiang Wen, très populaire acteur de Chine Pop’, a obtenu à Cannes le Grand Prix spécial du jury et provoqué apparemment une grosse colère des autorités de Pekin. Malheureusement, et même si on ne souhaite bien sûr aucun ennui à son réalisateur, on reste plus atterré qu’enthousiaste devant cette fresque interminable sur l’occupation de la Chine par l’armée japonaise et les horreurs qu’elle y perpétra. Là où il faudrait un Claude Lanzmann ou (…) Lire →
chunhyang, puk puk et pansori
entretien avec Patrick Maurus Lire →
l’âge de sang
par Mohamed Rouabhi
Il y a longtemps de cela, j’habitais dans des villes. Je me souviens de la maison dans laquelle je suis resté presque toute ma vie. Il me serait impossible de l’oublier. Lorsque je me rappelle de tel moment ou de tel événement, la maison désigne immanquablement le cadre de cette chose, et bien qu’il se puisse trouver des instants passés loin de la maison, elle n’en demeure pas moins le point de départ ou d’arrivée, le refuge ou la prison de la mémoire et du temps. Comme si la mémoire et le (…) Lire →
chroniques
fécondation
par François Rosset
Ce samedi, habillé pour sortir, caressant une dernière fois du bout de l’index la pointe de mon menton, je n’ai pas vu bondir le mongrelat lorsqu’il s’est précipité sur mon genou gauche et l’a serré entre ses pinces, immobilisant mon tibia et ma cuisse, m’empêchant du même coup de quitter le miroir devant lequel je m’attardais. Un pan de mon frac couvrait sa tête visqueuse ; de ce faciès je n’aperçus que la coulée d’une lippe exprimant la déception, ainsi qu’une volonté en tout point adverse (…) Lire →
scènes de la vie contemporaine
par Pascalle Monnier
Enfance dans une ville de province - Départ pour Paris à l’adolescence - Les habitudes contractées à cette occasion et l’apparition de certains traits de caractère - Épisode dans un pays étranger - La manie des huîtres - Projet de roman avorté - Amitiés et influences intellectuelles - La lecture des Mémoires d’outre-tombe - Les choix politiques
Enfance & adolescence
Il eut une enfance provinciale entre une mère fine, pleine de fantaisie, mais que ses mariages successifs et (…)
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à même les chouaris vides
par Didier Doumergue
En mille neuf cent quatre-vingt quinze je suis mort. Trois fragments pour tenter de me décrire regardant une photo de moi durant la guerre d’Algérie. Mes parents m’avaient offert une panoplie de chevalier. Je ne l’ai plus ni la photo.
- Or ça qui êtes-vous paladin, entre la ventaille et la mentonnière, quel visage distinguer ? C’est que je n’existe pas. Et comment vous acquittez-vous de vos charges, vu que vous n’y êtes pas ? À force de volonté et de foi en la volatilité de notre cause. - (…)
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« montre-moi si vraiment du ciel tu es l’élu »
par Fred Poulet
Tu préfères le foot. Ce soir derniers matches de poules. Duplex à dix-huit heures. Revenir sur l’expression "match de poule". Passer chercher Z. à seize heures quarante cinq. Gros enjeu dans le groupe C. La Norvège, fascinante avec son projet de football en base 1 : un attaquant, dix défenseurs-défendre, dégager, marquer. Tu préfères le foot. Impasse sur la deuxième mi-temps. Un peu en retard pour le cinéma expérimental. Cinq stations, un changement. Embrasser Z. Je t’aime /Je t’aime. Vous (…) Lire →
joker
par Franck Laurent
Sur le mur de schiste rouge La lumière a retrouvé Quelque chose du feu. Froide encore, cependant. * On était revenu près des visages On avait regardé de près On avait défilé Et l’on n’avait pas su dans le noir éclairé de la ville Approcher vraiment, jusqu’à Et tout reste à distance, étrangement. Lire →
Fritz & Otto
par Pierre Alferi
Dans la filière du parlant il n’y a plus que deux admissibles à notre concours de mise en scène. Ils viennent de Vienne. Nos critères étaient surhumains. Le candidat devait exceller : 1. dans le placement de la caméra - habileté des mouvements en figures imposées, innovations en figures libres -, 2. dans la dramaturgie - refonte de scénarios, direction d’acteurs, maîtrise du plan, découpage -, 3. dans les arts plastiques du plateau - cadrage, usage des décors et de la lumière - avec une (…) Lire →
le moineau de la bibliothèque / passer bibliotheca
par Ariane Chottin-Burger
Je devais balayer l’espace du regard sans même le savoir lorsqu’il est entré dans mon champ de vision. La surprise de sa présence a déclenché dans mon œil l’ouverture d’un œil plus vif. Posé sur le sol, debout, immobile, le moineau était là. Bibliothèque presque vide. Tables nues sous les lampes vertes encore éteintes, chaises rapprochées des bords. Cylindres noirs porte-parapluie, rangés à chaque extrémité. Ordinateurs le long du mur. Les branches du grand acacia, des deux eucalyptus et (…) Lire →
scène du dieu
par Frédérique Ildefonse
Vous avez déjà été attaché à une charrette. Vous avancez. Membres attachés, membres serrés contre le bois, les planches scient la peau ou la colorent, pour commencer. Les cheveux glissent sur les yeux et la bouche, les ramener vous oblige - à donner des coups de tête en l’air
douleur immédiate des bras, des jambes ; une seconde où vous voyez clairement. Vous le payez de cette tension des chaînes, le corps - une seconde, tête retombe, yeux clos, cheveux
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cris figés par l’ombre (extraits)
par Eric Vuillard
Une trigonométrie pernicieuse a dévasté ma figure, a détourné mon tonus à des fins fanatiquement abstraites. Aucune introspection n’est plus possible. Mes idées viennent en réalité du dehors. Elles me tournent autour. On dirait un essaim de mouches cherchant à se poser sur une bête malade, cherchant la plaie par où pénétrer.
*
Monde fermé. L’orage couve. Le rapprochement des sexes laisse silencieux (sans être encore démontré). L’emplacement est des plus mauvais : lit de cailloux, lieu de (…)
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Un lieu
le tribunal du 35bis
partis de là où ils sont venus et retournés là d’où ils viennent
par Dimitris Alexakis
Les articles 35 bis et 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 régissent les conditions dans lesquelles les représentants de l’État peuvent « maintenir » à l’intérieur de « locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire » (les centres de rétention, objet de l’article 35 bis) ou d’une « zone d’attente » (article 35 quater), les étrangers démunis de titre de séjour, interpellés à l’intérieur du territoire français, et les étrangers auxquels est refusée l’entrée sur ce même (…) Lire →
Minorités
drogues : mais qu’allons-nous faire de tout ce savoir ?
drogues : mais qu’allons-nous faire de tout ce savoir ?
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les bruits de la bataille
par Stany Grelet & Victoire Patouillard
En matière de drogues, le discours officiel s’est récemment recentré autour de la question du savoir : « Savoir plus, risquer moins », titre la dernière brochure de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), un an après la publication d’un rapport scientifique sur la « dangerosité des drogues » dont les catégories bousculaient celles de la loi. Ce nouveau langage est un progrès, incontestablement, si l’on se souvient de celui qu’il remplace : on n’ose (…) Lire →
interroger les savoirs
par Aude Lalande
Surabondance, ou pauvreté des savoirs ? En matière de drogues, il y a d’abord les savoirs des spécialistes : des savoirs de praticiens ou de scientifiques, donnés pour opérationnels ou « objectifs », abondants, en profusion proportionnelle aux « problèmes sociaux » que provoquent les drogues et la toxicomanie. Et puis il y a les savoirs des usagers : des savoir-faire tout au plus, dit-on souvent, pauvres à force d’univocité et de manque de recul, biaisés par l’attachement aux produits ou à (…) Lire →
penser, classer, exclure
par Philippe Mangeot
Il faut critiquer les catégories communes, bien sûr, mais pas les mépriser. Il y en a de très bêtes : elles semblent l’être à proportion de leur effort pour sauver sinon la lettre, du moins l’esprit de la loi de 1970. Mais elles trahissent parfois, malgré elles, un travail de l’imaginaire qui pourrait nous inspirer, s’il acceptait de se rapprocher de nos pratiques, de nos corps et de nos sens, et s’il s’assumait pleinement comme un exposé de préférences, une esthétique des plaisirs, ou une (…) Lire →
aigreurs naturelles et drogues de synthèse
par Gérald Sanchez
C’est toujours la même chose : dès qu’une minorité se découvre sujet de l’Histoire, elle se cherche une histoire. Oh pas une histoire savante - les spécialistes s’en chargent) -, ni une quête de l’origine. Non, l’historiographie des usagers de drogues relève plutôt du vol, ou du racket. Pillage tous azimuts (des manuels d’alchimie, de la pharmacie de Freud, des éprouvettes de Rhône-Poulenc), revendication de propriété sans titre (ni médical, ni scientifique, ni industriel), et justice de (…) Lire →
montage pervers
(faux) entretien avec Daniel Sibony Lire →