Vacarme 14

hiver 2000

Vacarme 14

À nos lectrices et lecteurs

Ce numéro, Vacarme 14 (hiver 2000), est désormais archivé et tous ses articles sont accessibles dans leur intégralité. Vacarme aime la gratuité, mais une revue existe grâce à ces abonné·es.

Éditorial

nelly

par

Allez-vous en les affreux Allez-vous en les affreux Les affreux à la langue pendante Les affreux à la langue pendante Les affreux aux yeux protubérants Les affreux aux yeux protubérants.
Rituel kwakiutl.
Le lecteur des Hauts de Hurlevent peut bien se perdre dans les généalogies, ou se voir contraint de revenir quelques pages en arrière pour ressaisir le nom d’un personnage fugace ; mais il connaît Heathcliff, et il connaît Nelly. Devant le premier, il tremble : devant les puissances (...) Lire 

Entretien

Pierre Bourdieu

Chantier

la nature dans tous ses états

petites natures - enquête

« Un scorpion veut traverser le fleuve. Mais il ne sait pas nager. Il avise un hippopotame et lui demande : — Puis-je monter sur ton dos pour traverser le fleuve ? L’hippopotame lui répond : — Tu me prends pour un imbécile ? Si je te prends sur mon dos pour traverser le fleuve, tu vas me piquer, et je mourrai. — Mais non, dit le scorpion, car si je te pique, je vais me noyer. — D’accord, dit l’hippopotame. Le scorpion grimpe sur son dos, et ils entament la traversée. Au milieu du fleuve, (...) Lire 

les fécondations artificielles, le droit et la nature

par

Les lois bioéthiques semblent avoir adopté à l’égard des techniques de procréation artificielle une position paradoxale. Elles n’interdissent d’emblée aucune des techniques procréatives présentes ou futures (hormis les maternités de substitution et l’ectogénèse). Elles ont le souci de faire croire que les enfants nés par cette voie sont conçus par la voie sexuelle ; que la nature n’a pas été troublée.
Ce paradoxe pourrait être interprété, à première vue, comme témoignant d’une certaine (...) Lire 

la gauche et le droit naturel : mettre l’urgence dans la nature

par

La gauche politique moderne ne sait pas quoi faire de l’idée de nature. D’un côté, être de gauche c’est en effet renoncer à cette funeste et contradictoire idée de Nature, qui permet soit, entendue négativement, d’y projeter tous ceux que l’on ne comprend pas (le barbare, le sauvage, l’homosexuel ou le libertin (sexualité bestiale), en bref l’étranger et le différent), soit, entendue positivement, d’en exclure à peu près les mêmes (tous ces êtres et pratiques contre-nature), soit encore, (...) Lire 

faux jumeaux

Jean-Luc Nancy et Chantal David sont frère et sœur. Mais le dialogue suivant qui suit n’est pas seulement une affaire de famille. C’est aussi, et d’abord, le face-à-face d’un naïf (il est philosophe, donc un peu sec sur la transgénèse...) et d’une savante (biologiste des végétaux dans un laboratoire d’agronomie, c’est son rayon). Soit l’épure d’une situation que nous affrontons de plus en plus souvent, et qui n’est pas sans vertu : d’un côté, l’impossibilité de fonder une position (...) Lire 

le sens incorporé (visite aux animaux)

par

Jean-Christophe Bailly est écrivain, poète, dramaturge, essayiste. Le texte suivant est extrait d’un récent ouvrage Le Sens incorporé (visite aux animaux). En 1991, il avait publié avec Gilles Aillaud un très beau livre sur les animaux L’Oiseau Nyiro, aux éditions La Dogana. Dans La Fin de l’hymne, il leur consacrait le chapitre intitulé Un abîme de la pensée. Dans ce passage, Jean-Christophe Bailly approche et décrit la mobilité inventive de la nature. Il montre comment celle-ci dément (...) Lire 

arsenal

les temps irréels

par

Le 30 septembre dernier, à Prague, plusieurs milliers de manifestants venus de divers pays d’Europe parvenaient à bloquer le sommet annuel du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, malgré la brutalité de la police tchèque et dans l’indifférence de la presse. On peut évidemment trouver à redire au mouvement de résistance à la mondialisation libérale : la généralité de son objet ; la manière dont il détourne les énergies militantes dont manquent cruellement, en ce moment, (...) Lire 

« choisis, contrôlés, placés »

par

Le savoir d’Alain Morice, chercheur au CNRS, est une alternative précieuse à celui des experts. Il nous livre ici une critique du nouveau discours européen de l’immigration « utile », celui des caisses de retraite et des gestionnaires de main-d’oeuvre, dont il montre que la modernité n’est que relative. Car, autant qu’un texte de police, la bonne vieille ordonnance du 2 novembre 1945 est un plan d’emploi : depuis toujours, un bon immigré est un immigré au travail. En creux, cette critique (...) Lire 

Processus

être ensemble en restant singuliers

Depuis quelques années, Frédéric Fisbach s’est imposé comme l’un des metteurs en scène les plus intéressants du théâtre français ; la saison dernière a particulièrement été marquée par ses deux derniers spectacles, Tokyo notes, d’Horiza Hirata, et Forever Valley, « opéra de chambre » de Gérard Pesson et Marie Redonnet. Il montera ce printemps Bérénice, en collaboration avec le chorégraphe Bernardo Montet.
Au-delà de la simple valeur de ses mises en scène, c’est toute une démarche de (...) Lire 

Dans l’image

par

« Ceci est une pipe », de Pierre Trividic et Patrick Mario Bernard. Lire 

Les morts-vivants

par

À quelques exceptions près, Mohamed Rouabhi a écrit dans Vacarme des textes sur les séjours qu’il a passés en Palestine, sur les ateliers d’écriture qu’il a animés à Ramallah, Bethléem, Jérusalem. Sa pièce El menfi (L’exilé) a été créée en juillet 2000 à Ramallah dans la mise en scène de Nadine Varoutsikos ; elle sera reprise en janvier 2001 à Épinay-sur-Seine. Cette fois-ci, il a préféré écrire sur les morts-vivants.
Qui sont ces morts qui reviennent pour nous épouvanter ? Ils nous (...) Lire 

la Cinémathèque dans la tourmente

par

En 1993, Dominique Païni, alors directeur de la Cinémathèque française, provoque la mise en retraite un peu abrupte de Renée Lichtig, il est vrai déjà âgée de soixante-douze ans. Si son départ a été douloureux, non seulement pour elle, mais pour la politique de restauration de la Cinémathèque, c’est qu’il marquait sans doute la fin d’une époque. Renée Lichtig, par ses origines romanesques, ses collaborations avec Renoir ou Stroheim et son travail exemplaire à l’ombre d’Henri Langlois, (...) Lire 

chroniques

en cas de noyade

par

Avis concernant les personnes qui paraissent mortes et qui, ne l’étant pas, peuvent recevoir des soins. Paris, 1772
1 la déshabiller, la bien essuyer avec de la Flanelle ou des Linges, et la tenir très chaudement, en l’enveloppant soit avec des Couvertures, soit avec des Vêtements et ce qu’on pourra se procurer ; ou la mettant devant un feu modéré ou dans un lit bien chaud.
2 on lui soufflera ensuite par le moyen d’une Canule, de l’air chaud dans la bouche, en lui serrant les deux (...) Lire 

« modestes et dociles »

par

La candeur de Walser. « Il est doux d’être opprimé », et puis : « La mélancolie forme. » « Toute place a son importance... » Et la question posée au Commis : « Ou vous aimez mon mari d’un amour absolu, ou bien vous êtes absolument vil. » — Elle n’est pas simplement posée par une grande bourgeoise. Elle s’adresse à une sorte particulière de serviteur. À celui dont l’existence quotidienne échafaude un problème : comment se fait-il que je sois un Valet avant même d’avoir précisément songé à (...) Lire 

télévision

par

en pleine autonomie alors il s’invita nuances dans la vie le montrer en faisant ressortir induite l’idée qui le provoque monde ou pas il me faut une légende josé mango arra. pêcheur professionnel. le long du trottoir prenait toute la place laisser passer j’aime ça voir les choses de si près yolande. une voisine. séparé et pourtant soupirant je l’aime je veux l’aimer selon l’originale syntaxe occidentale ainsi l’apparition viendra raccord viendra parmi les plaques de verre madame sugishara. (...) Lire 

« pourquoi il n’y aura pas de rubrique sport dans ce numéro »

par

Il n’y a pas de rubrique sport parce que fin septembre, à l’espace Cartier, les équipes semblaient d’abord chercher une règle. Puis elle se dessinait progressivement : acculer un joueur dans un coin du terrain. À ce moment, le joueur cherche à briser la chaîne puis en devient un maillon. Temps mort. Le public est convié à assister à la digression polyglotte qui décidera des règles-ou-pas-de la partie suivante. Et l’analyse de la partie écoulée.
Il n’y a pas de rubrique sport parce que (...) Lire 

ton dharma

par

Dans un article sur L’Idiot, Walter Benjamin écrit que le Prince Mychkine, en dépit de sa maladroite candeur, reste associé à ce qui ne peut s’oublier, à une vie infinie. Les indications laissées par Benjamin à propos du corps expulsé, du moi délogé, nous concernent tout particulièrement ici. Benjamin affirme pour sa part que la vie des êtres abîmés, écrasés, se traduit par une sorte d’empreinte de l’inoubliable. Irrécupérable, foulée aux pieds, mais représentée tant bien que mal par un (...) Lire 

l’âne / qui sait l’effort immense

par

Il pleut sans arrêt. L’eau tombe comme un rideau, mais l’âne ne bouge pas. Immobile posé sur l’herbe, dans le pré. Ses yeux bruns cerclés de clair clignent. Léger mouvement des oreilles — des oreilles magnifiques : bords de velours, cavernes feutrées, grottes aux mille coudes. L’eau ruisselle du dos vers les flancs, s’égoutte à la lisière du ventre blanc. Il me regarde, par l’encadrure de la fenêtre. Une goutte froide tombe sur mes cheveux. Je lève la tête. Au plafond une auréole (...) Lire 

une image de cinéma

par

— 1850-1950 : culture de l’image photographique, dont le cinéma fut la merveille mitrailleuse. Mais, depuis cinquante ans déjà, nous sommes, nous les très riches, entrés dans la culture du flux visuel, avec télé d’abord, puis @valanches d’informations. Les flux, ça se gère. L’image, fût-elle mobile, ça vous arrête, vous force à la fixer tant qu’elle paraît. C’est une chose qui arrive, une déflagration rétinienne, dont l’éclat surnage un moment entre l’œil et les cases, au-delà de la (...) Lire 

tchin

par

bières à la hache
À la vue de la sinistre enseigne, Robert, le photographe, porte la main à sa nuque et la frotte dans un va-et-vient inquiet. Nous entrons cependant. L’espace du bistrot à La Hache est très beau : un grand carré de parquet brut au centre, un périmètre de banquettes de gare des années 50 intégrées dans les boiseries, de longues tables à huit places avec présentoirs à bretzels, un bar en angle, construction massive en briques capable de résister aux bombardements. Trois (...) Lire 

Giallonapoli

par

Giallonapoli Que je marche avec toi seule dans le jaune de Naples sous les magnolias des bâtisses les palmiers des jardins en retrait et l’araucaria : qu’à présent tes yeux ouvrent les chiens distants et le large matin quand on meure et que l’on meure d’amour alentour. Midi Un hasard voulut qu’il passe sous les vastes vérandas et les glycines l’homme qui écouta le souffle des chats à la gare voie après voie au point qu’il conserva ses ongles dans un petit sac de toiles à peine l’horizon (...) Lire 

autre chambre

par

À un moment ça a débordé c’est tout vous m’aviez tous dit trop de choses l’un après l’autre on avait loué cette vieille maison dans la Meuse et déménagé de Borny et ç’a été la goutte d’eau toi gros tu n’avais pas voulu vendre ma bibliothèque et tu t’étais même fâché contre moi comme après un enfant ça suffit maintenant tu arrêtes puis tu m’avais dit mais qui est-ce qui pourrait s’intéresser à ton journal qui voudrait bien le lire moi qui avais écrit plus de cinq mille pages dans des (...) Lire 

Un lieu

tramscape

un dossier sur l’accompagnement artistique du tramway de Strasbourg

avant-propos

par

un dossier sur l’accompagnement artistique du tramway de Strasbourg Lire 

Vacarme 14

Vacarme 14 / hiver 2000

Rédaction en chef Philippe Mangeot

Parution le 10 janvier 2000 Édition Vacarme

Pages 116 ISBN 9782915547856

Diffusion en librairies Difpop

Diffusion numérique Cairn