Vacarme 10
hiver 1999
À nos lectrices et lecteurs
Ce numéro, Vacarme 10 (hiver 1999), est désormais archivé et tous ses articles sont accessibles dans leur intégralité. Vacarme aime la gratuité, mais une revue existe grâce à ces abonné·es.
Éditorial
le plus grand chanteur à roulettes du monde
par Mathieu Potte-Bonneville
Le plus grand chanteur à roulettes du monde se nomme Robert Wyatt. Il est anglais, a cinquante-cinq ans, une barbe un peu plus longue que celle de feu Kubrick, mais un cottage moins spacieux. Sa musique est profonde et subtile, inattendue, mélodies folk très simples brusquement emportées vers la dissonance, escalades d’accords déplaçant de proche en proche la tonalité initiale. Éléments de base désuets (piano, guitare, saxophone). Sans doute la seule rencontre du rock et du jazz qui ne (…) Lire →
Entretien
Giorgio Agamben
Une biopolitique mineure
Entretien avec Giorgio Agamben. Lire →
Chantier
prisons : au pied des murs
au pied des murs
par Stany Grelet & Jeanne Revel
avant-propos Lire →
interférences : Parloir libre, 106.3 mhz
par Stany Grelet & Jeanne Revel
autoportrait d’une émission passe-muraille Lire →
nous sommes les voix de l’ombre : femmes détenues
plate-forme / maison d’arrêt de Fleury-Mérogis Lire →
en connaissance de cause
entretien avec Daniel Beaumont et Guy Dardel Lire →
une réconfortante hygiène
par Alix Héricord & Serge Lastennet
sur l’hôpital carcéral de Fresnes Lire →
encore un mort
plate-forme / centre pénitentiaire de Longuenesse Lire →
une politique de l’insertion : le parcours pénal des précaires
par Eric Ducoing
ce qui mène les pauvres en prison Lire →
la grande fabrique des étrangers
par Germinal Pinalie
sur l’enfermement des non-nationaux Lire →
actualité de la prison
par Mathieu Potte-Bonneville
l’enfermement : un mort bien vivant Lire →
arsenal
la promesse jospinienne du plein emploi
par Cargo
Le plein emploi de papa, c’était, soit la version hard : les femmes à l’usine d’armement et les hommes au front, les camps de rééducation par le travail ou les porteurs de lunettes dans les rizières, histoire de leur apprendre ce qu’être productif voulait dire... ; soit la version soft, où les charmes de la production en série de bagnoles et autres merveilles interchangeables, fabriquées en masse, permettaient à un fordisme défunt d’assurer au plus grand nombre la garantie de perdre sa vie à (…) Lire →
interdiction de penser et de l’écrire sur les murs de Paris
par Agnès Tricoire
Prenez une réforme législative en apparence anodine, votée sous Giscard d’Estaing, réforme normalement destinée à réguler dans les villes l’usage des murs des immeubles comme support de publicités. Motif ? L’environnement. Vous êtes contre l’amélioration de l’environnement ? Non, bien sûr.
Prenez le mot publicité, interrogez-vous sur son sens, et déduisez que l’on peut démocratiquement estimer qu’il existe d’autres supports que les murs de l’immeuble du voisin pour vanter les mérites des (…)
Lire →
l’étrange cas du docteur Anatrella
par Pierre Trividic
Le texte qui suit répond à un article publié il y a plus de six mois dansLe Monde à l’occasion de laLesbian & Gay Pride. À Vacarme, on a l’esprit de l’escalier et la périodicité paresseuse. Mais on n’en est que plus opiniâtre et entêté. Si la réponse est tardive, elle est aussi actuelle. Si elle prend prétexte d’un article de Tony Anatrella, elle renvoie aussi à tous ses livres, qui tricotent inlassablement la même idée : l’homosexualité serait une négation de l’altérité. Mais elle (…) Lire →
processus
Les yeux grand fermés : à propos du doublage de Eyes Wide Shut
par Colette Milon & Jean-Philippe Renouard
Entretien avec Pascale Ferran. Lire →
la fin de Babel
par Jean-Philippe Renouard
Le doublage remonte au début du parlant — le muet était universel, le parlant ne l’est plus — quand il s’est agi, pour bénéficier d’une diffusion internationale, de remplacer le dialogue original d’un film par un dialogue dans une langue étrangère. Les solutions les plus variées fleurissent. Bénéficiant d’une situation hégémonique dès 1918, les États-Unis en profitent pour attirer à Hollywood le gotha du cinéma européen. Certains viendront séduits par des conditions de travail qu’ils croient (…) Lire →
frères de colère
par Mohamed Rouabhi
Je suis revenu en terre arabe inch’Allah. Cela fait maintenant la troisième fois et déjà les habitudes reviennent doucement : le café à la cardamome dans les petits verres Duralex, le pain rond et frais à 37 centimes, les rencontres impromptues dans les magasins ou sur les trottoirs, les amis devenus frères, les femmes arabes, les plus belles du monde, la musique. Partout, la musique, partout même dans la nuit la plus profonde au sommet des collines de Ramallah, dans les taxis, les (…) Lire →
Brecht metteur en scène
par Irène Bonnaud
L’arrivée du Berliner Ensemble à Paris en 1954 est une sorte de mythe fondateur. Mais on peut relire Barthes et Dort autant qu’on veut, on ne voit plus bien ce qu’il s’agissait de fonder. Tout le monde semble s’accommoder aujourd’hui du ronronnement du théâtre littéraire-psychologique à la française. Heureusement, Brecht avait prévu le coup. De 1949 à 1956, les assistants du Berliner Ensemble ont tout noté des répétitions qu’il dirigeait, et quand ces centaines de pages seront enfin éditées, (…) Lire →
kaki
par Didier Doumergue
Parfois un album photo disparaît. Didier Doumergue le reconstruit par écrit.
Tentative de reconstitution de mémoire d’une photo me représentant aux côtés d’un soldat durant la guerre d’Algérie. Il m’avait pris en affection parce que son fils, du même âge, portait le même prénom que moi, ou bien — ai-je oublié ? — lui-même, père d’un fils de mon âge.
calot kaki le corps kaki replié les joints des cuisses le torse les aplats des biceps les os les attaches entoilés parés de toile kaki (…)
Lire →
chroniques
Bâton-rouge
par François Rosset
Les minutes de l’entretien entre Batha-suna la contralto et le recteur du Choir collegium de Bâton-rouge forment pour peu qu’on les relise avec méticulosité un panégyrique de la délicatesse d’âme et de la pénétration des affaires musicales qui, j’en suis désormais convaincu, devaient caractériser cet homme et qui ont travaillé, ainsi que des esprits soupçonneux envers le monde tels qu’il s’en rencontre parmi mes ascendants le lui auront sans doute fait comprendre, à le tenir durablement (…) Lire →
defixio
par Frédérique Ildefonse
Organes provisoires, bouche, dents, nez, langue, bras
sectionnés bûcherons
sang, table, repos, soir, table, repos, soir, table,
soulever, pas de bouche, de dents, de nez, langue, bras
sectionnés bûcherons,
sang, rétable armé, soir
Lire →
ovalisation du paradoxe
par Fred Poulet
Il existe un sport qui se joue avec un ballon ovale. Qui inscrit dans la forme même de son instrument sa tolérance à l’aléatoire. Un jeu où il s’agit de faire franchir à la balle la ligne d’embut adverse sans être autorisé à la passer vers l’avant. Une fois cette ligne franchie, on n’atteint pas un but, mais un essai qui demandera à être transformé. Un sport donc, qui demande un acharnement extrême pour atteindre un but qui n’en est pas un.
Il existe un sport pour la pratique duquel aucun (…)
Lire →
un menu pour quand l’enfant paraît
par Michel Celse
Depuis quelques neufs mois que votre dernier mari en date vous quitta, vous devez bien convenir que vous n’avez pas fait grand chose de votre vie, et qu’elle eût été fort vide si d’autres ne s’étaient chargés de pourvoir aux événements. Force vous fut de constater, avec quelque ébahissement, qu’autour de vous toutes les hétérotes de sexe mâle ou femelle qui vous sont les plus proches se mettaient subitement à procréer plus qu’à leur tour. De tous côtés, l’on vous faisait obligeamment, sans (…) Lire →
Perfect blue, de S. Kon
par Pierre Alferi
Si on allait, pour tromper une attente, voir un dessin animé ? Mais alors ce qui se fait de plus parfait dans le genre, de plus branché : Perfect blue. Deux ou trois scènes et l’on a capté son message : vanité des vanités, nos gloires sont délétères. On y souscrit sans réserve. On espère qu’il ira plus loin que le lieu commun. Car nos gloires sont délétères, oui, au point que seuls des porcs peuvent y trouver le bonheur. Pour être adulés, les anciens devaient remporter une victoire navale, (…) Lire →
Le paresseux / ne pas
par Ariane Chottin-Burger
Le paresseux ne vit pas en Australie, il habite les zones boisées d’Amérique centrale et du nord de l’Amérique du Sud. C’est l’un des derniers représentants de la famille des Xénarthres - l’ordre des édentés - laquelle réunit les mammifères les plus primitifs d’Amérique : tatous, paresseux et fourmiliers (seuls à être réellement dépourvus de dents). La rare lenteur du paresseux lui coûta toutes sortes de quolibets, on la prit pour un signe de faiblesse voire de bêtise, ce qui ne fit que (…) Lire →
ex nihilo
par Jean-Luc Nancy
Le monde qui, celui-ci, est ici donné et rien d’autre, et qui ci-gît (cliquez ici pour ouvrir ce monde), tombé là d’une exhalaison noire d’énergie instantanée, onde élémentaire, déflagration de photons dans la densité d’un vide abîmé, en soi retourné sombre et sonore citerne : pur dehors de soi, large étalement craquant, déchirure de quarks, scansion métrique pulsée, jet sans projet, projection tous azimuts, création d’éclats, jection.
De rien fit poussée, fut poussé, excroissance à cru (…)
Lire →
mie claire et blanche farine : Pétra Werlé
par Ariane Chottin-Burger
Pétra Werlé s’en tient là : comme les plus éminentes magiciennes, elle vous donne sa formule, se retire et sourit, laissant le mystère entier. Oui, juste de la mie, quelques croûtes, de la salive... Le tout premier visage était déjà là, dans la mie, vous connaissez bien cela, ces visages que les enfants débusquent dans les veinures d’un tronc ou d’une pierre, ces petits êtres contorsionnés qui donnent fugitivement un esprit à la matière. Arthur-Toujours-Là.
Vous-même... qu’avez-vous fait (…)
Lire →
l’équipement
par Laurence Potte-Bonneville
Ça ne va pas fort du côté des adultes depuis une bonne quinzaine de jours. Pourtant, il fait doux ; le temps n’a plus rien à voir avec la fraîcheur féroce des premières semaines. Peut-être redoutent-ils le retour des grosses chaleurs, et ses conséquences pour nous ? C’est en tout cas l’opinion méprisante de Nilja, mais je crois qu’elle se trompe. C’est bien de son âge, cette morgue. Tous les adolescents sont comme ça. Moi, je suis encore trop jeune, je me contente de la regarder ricaner, ça (…) Lire →
Enquête
Gaza : la forme d’une capitale
la capitale échouée
par François-Xavier Laithier & Christophe Triau
« ... je retrouvais Gaza telle que je l’avais toujours connue, vieil escargot enfermé dans une coquille que la mer avait jeté, par hasard, sur le sable. Encore plus recroquevillée sur elle-même que l’âme d’un dormeur en plein cauchemar. Dans ses minuscules ruelles, toujours cette odeur faite d’un mélange de déroute et de pauvreté, ces maisons avec leurs balcons endormis. C’était Gaza... ce réseau de fils inextricablement enchevêtrés qui nous ramène vers nos familles, nos foyers, nos (…) Lire →
Gaza : un espace et un temps fermés
par Marianne Blume
Le coeur historique de la vieille ville de Gaza se situe en retrait de la côte, autour de la grande mosquée, à plus de deux kilomètres du rivage. À partir de la fin du siècle dernier, le bâti s’est étendu ; il a gagné d’anciennes régions rurales et tout l’espace qui séparait le centre de l’emplacement du port antique (le quartier de Rimâl, qui doit son nom aux dunes de sable qui le recouvraient jadis). Après 1948 et l’arrivée des réfugiés dont certains se sont installés en ville et d’autres, (…) Lire →
géographie d’une société
entretien avec Jean-François Legrain Lire →
Yech licha âvôda bichfili ?
par Hossam Al Madhoun
Hossam Al Madhoun est un des rares acteurs de théâtre de Gaza. Autodidacte, initié au théâtre alors qu’il était prisonnier, pendant l’Intifada, dans un camp israélien dans le Neguev, il anime des ateliers et essaye d’introduire à Gaza un théâtre en prise avec la société (théâtre-forum, représentations dans des écoles...) - dans un contexte économique et politique difficile.
« Yech licha âvôda bichfili » : en hébreu « Il y a du travail pour moi ? »
Quand j’ai découvert que la mer, (…)
Lire →
Minorités
ceux qui ne lisent et n’écrivent pas
« il pleut sur le déjà mouillé. »
par Frédérique Ildefonse
avant-propos Lire →
alpha, et cetera
par Frédérique Ildefonse
La Plaine-Saint-Denis, cité les Frammoisins, Stains, Paris Xe : quand lire et écrire est bien plus que cela.
Jeudi. La Plaine Saint-Denis, maison de quartier, impasse Saint-Just
Laurence Lagarde travaille depuis cinq ans à la maison de quartier de la Plaine Saint-Denis où, depuis six ou sept ans, une seule formatrice (faute de moyens), financée par le FAS (le Fonds d’action sociale, qui s’occupe de « l’insertion et de l’intégration du public étranger »), donne des cours (…)
Lire →
illettrisme : dispositifs de lutte
par Christelle Destombes
L’illettrisme est un concept récent, il date des années 1970. On n’en parlait pas, avant cette date, pour se concentrer sur l’analphabétisme qui concernait le Tiers-Monde ou les travailleurs immigrés pour lesquels des structures et des campagnes furent mises en place, sous l’égide notamment de l’UNESCO. Au début des années 1980, le mouvement associatif français repère une carence grave parmi la population la plus défavorisée et lui donne un nouveau nom : l’illettrisme. C’est dans ce (…) Lire →
« c’est du travail, aussi. »
par Philippe Mangeot
rencontre 1/2 Lire →
ma plume est à vous
par Christelle Destombes
rencontre 2/2 Lire →
raisons graphiques
par Philippe Mangeot
De quoi parle-t-on au juste quand on souligne la nécessité de l’apprentissage de l’écrit ? D’une technique de codage, ou de tout autre chose ? Faut-il que le caractère indispensable du recours à l’écrit tombe sous le sens pour se dispenser de la question du sens ? Et si c’était ce sens qui échappait à ceux qui ne lisent et n’écrivent pas ?
1. La vie d’un homme infâme
« John Corcoran, de Los Angeles, qui, pendant dix-sept ans, a enseigné l’anglais et la sociologie dans des lycées (…)
Lire →
acide de batterie
par Patrick Mario Bernard
Démarrage
Noir, hiver. Vroum, vroum fait le moteur, des animaux, leurs yeux perçant l’opacité de la nuit froide. Profonde déprime. Hans ne veut pas aller travailler. Sur la ligne torve de l’horizon, une lueur annonce l’arrivée du jour, mais c’est encore bien trop loin. Une descente s’amorce lentement, les pneus glissent dans un silence caoutchouteux. La pente se fait plus dure, s’enfonce peut-être vers un enfer limitrophe. Bien sûr que oui ! se vocifère Hans à lui-même. Ce sont les (…)
Lire →