Vacarme 16

été 2001

Vacarme 16

À nos lectrices et lecteurs

Ce numéro, Vacarme 16 (été 2001), est désormais archivé et tous ses articles sont accessibles dans leur intégralité. Vacarme aime la gratuité, mais une revue existe grâce à ces abonné·es.

Éditorial

ameuter la vie

par

1 Mahmoud Darwich explique qu’une des épreuves auxquelles il soumet les poèmes qu’il a écrits consiste à les oublier, pendant une longue période. Lorsqu’il les reprend, il abandonne les poèmes qu’il reconnaît. S’il a le sentiment que le poème est l’œuvre de quelqu’un d’autre, il sait alors que c’est un nouveau poème. Il ajoutait : « Mais finalement qui ce secret concerne-t-il ? »
Je crois que ce secret nous concerne, et ne concerne pas seulement la poésie. Qu’il y ait quelque chose qui (…) Lire 

Entretien

Assane Ba

Assane Ba

Chantier

Politiques africaines

Avant-propos : s’approprier ou se déprendre ?

par

La rubrique Chantiers consiste habituellement à chercher les moyens de s’approprier un objet politique réputé inappropriable. Or il se pourrait cette fois, s’agissant de l’Afrique, qu’il faille au contraire s’en déprendre.
Ce dossier a en effet été produit sous le coup, littéralement, d’une objection radicale, qui peut se formuler de la manière suivante : avant de chercher à intervenir, se soucier de ne pas nuire. Cette ligne est née du choc qu’a constitué pour certains d’entre nous le (…) Lire 

L’ethnisme est-il moins déshonorant que le racisme ?

par

« Guerres tribales » et « massacres inter-ethniques » : ces expressions journalistiques ont le double effet de fournir une interprétation aisée des conflits africains, et de nous en tenir à distance. La lecture d’un simple ouvrage rend l’oreille moins distraite à ces questions, et par là aux débats sur la françafrique. Rwanda, généalogie d’un génocide, de Dominique Franche, montre en quoi, pour ce pays, la « grille ethniste » est non seulement fausse, mais surtout inacceptable. Le génocide (…) Lire 

Politiques africaines

Arsenal

la stratégie du ridicule

par

« Nous mourrons de n’être pas assez ridicules. » Il fallait s’appeler Rose Prudence, Annie-Elm, Catherine Crachat, Catherine Glaviot ou Pépita Régalo pour avancer un slogan aussi juste. Entre 1973 et 1978, ces filles géniales ont tenu la chronique du « sexisme ordinaire » dans les Temps Modernes, textes rassemblés sous le même titre aux Éditions du Seuil en 1979. Cet ouvrage est aujourd’hui épuisé, ce qui est parfaitement inadmissible. Nous exigeons sa réédition immédiate. Pour tromper (…) Lire 

les transports, en commun

par

Au croisement des questions du revenu et de la mobilité, la gratuité des transports publics est une revendication majeure des mouvements de chômeurs et de précaires européens. Lire 

pédés ostentatoires ?

par

Le 26 avril dernier, Jospin déclarait qu’il est « important que notre pays reconnaisse pleinement les persécutions perpétrées durant l’Occupation contre certaines minorités – les réfugiés espagnols, les tziganes ou les homosexuels. » Il me semble que Jospin fait là un usage du terme de minorité encore impensable voici cinq ans dans la bouche d’un Premier ministre ou d’un leader d’un grand parti politique. Cet usage est, en l’espèce, plutôt intéressant et courageux, puisqu’il consiste à (…) Lire 

les pousse-au-crime

par

Si les meurtres commis par des mineurs ne datent pas d’hier, le traitement médiatique et politique de ces meurtres est en revanche nouveau : depuis quelques années, chacun d’entre eux est l’occasion d’une mobilisation générale autour du thème de « la montée de la violence des jeunes de banlieue ».
Un exemple parmi de nombreux autres : à la une du Parisien du 5 décembre 2000, on pouvait lire ceci : « Le triste assassinat du jeune Soufiane à Grenoble, par deux ados du même âge ou presque (…) Lire 

Arsenal

Processus

Quatre lettres d’afrique

par

S’adressait-elle à l’enquêteur amateur, la protestation ironique du Djiboutien Abdourahman A. Waberi, quand il se dit agacé par les questions de «  journalistes de troisième zone qui ont mal digéré leur tiers-mondisme  »  ? À l’en croire, peu de rencontres qui n’aient débuté par deux questions rituelles  : 1) Pourquoi écrivez-vous en français  ? et 2) Comment va l’Afrique  ? Inquiet, il rembobina mentalement la bande de l’entretien. Sauvé  : on n’avait pas exactement commencé comme ça…
La (…) Lire 

À propos de quelques polars

par

En 1998, Abasse Ndione avait livré aux lecteurs de la Série noire chez Gallimard La Vie en spirale , l’histoire aux multiples volutes, d’une poignée de fumeurs de cannabis — produit dont la consommation à Dakar comme à Paris est soumise à répression.
Dans ce polar, sans policier, une bande de « développeurs » est soudain confrontée à une crise de ravitaillement en yamba, en chanvre indien. Cette pénurie, bien plus terrible pour eux que les coupures d’eau dont leur quartier régulièrement (…) Lire 

Malcolm made in Africa

par

Lorsque nous avions évoqué il y a un an, avec ma compagnie, la possibilité de représenter le spectacle Malcolm X en Afrique de l’Ouest, nous ne pensions pas recevoir un tel choc. Cela ne se fit pas sans difficultés.
Dans un premier temps, après l’envoi du dossier de presse et bien que la demande ait émané directement du Centre Culturel de Dakar, nous avons été informé qu’il ne serait pas possible pour le moment d’envisager une telle tournée. Les raisons étaient clairement énoncées : « la (…) Lire 

Processus

Chroniques

Chaque chose

par

chaque chose en se mouvant
à un moment ou à un autre
marque un temps d’arrêt Lire 

Blanc sur noir

par

Une noire puis deux sans deuil j’ai voulu ce fond pour que, blanc sur noir vienne à la dérobée – de la neige – la dictée – neige tombant sur du charbon – comme à Berlin les péniches rangées au bord de la Spree chargées de caractères chinois cristaux posés sur le plus noir que nuit sans deuil de vous à moi tout-à-fait entre nous dans le monde formant la voûte le ventre d’un dieu qui pèle dans la barbe du papier rasée de frais pour qu’apparaissent les vocables autrement, sans deuil rien (…) Lire 

Bagatelle

par

Rester rêvant, activité brumeuse et pourtant prolixe, au nom de laquelle on aime farouchement demeurer assis sur sa chaise plutôt que de se rendre dans les rues, sur les places, où une agitation sculptée par la maladie après tout se répand, et fait croire à cette portion encombrante de notre esprit que nous sommes attendus, que des bras sortiront des embrasures à notre approche, que des femmes ou bien voilées, ou bien découvertes comme le fût des canons, prêterons attention lorsque nous (…) Lire 

Rébus

par

Chérie, mets-toi en jupe

par

si je suis seule et que je suis en jupe l’histoire accumulée au quatrième intègre sourdement les parties isolées.
amina, constitutionnaliste
quand je vois qu’elle est en jupe ça fait l’effet terrible huile sur bois münich la saint barthélémy
xavier, célibataire formateur
quand je suis avec mon fils en pantalon il rapporte à propos l’épître aux corinthiens
honorine, agent de constatation
je ne vais pas mettre une jupe ni socle ni trône pas moins éclairante l’asymétrie du rôle dans (…) Lire 

D’abord on pouvait marcher sur la terre

par

D’abord on pouvait marcher sur la terre, comme on marcherait sur des os. Ces os, ces mêmes os que l’on déterre sous la terre noire, d’où ils détachent des copeaux. On les sentait sous les pieds, sur le plateau. Je les aimais, un par un, chaque fois. Nous étions deux. Tout était enfoncé sous la neige, sauf nos pas. Pas question de reculer. Les familles étaient loin. On pourrait croire que nous avions froid. Elle réchauffait le ciel.
Une main dans l’eau, qui craque de parties givrées. Un sol (…) Lire 

Monsieur le Président

par

Bernard Tapie est revenu. Le président de l’O.M.triomphant des années quatre-vingt-dix était tombé en disgrâce suite à sa condamnation dans l’affaire Valenciennes/0.M. et à la lutte sans merci que lui opposait le président de la Ligue nationale de football, Noël Le Graet.
Celui-ci a salué le retour de Tapie par un laconique "Un homme ne doit pas payer toute sa vie". Mais monsieur Le Graet n’est plus président de la L.N.F. Il fut en effet victime d’une fronde menée par la frange ultra (…) Lire 

le train (extraits)

par

10 Il arrive que nous soyons très nombreux à dormir dans le même compartiment. Qu’y faire ? C’est un événement qui se reproduit à intervalles irréguliers, et qui demeure imprévisible en vérité.
Dans la nuit la chaleur augmente, l’espace clos s’épaissit de toutes les haleines réunies. Je sens peu à peu mon visage se laisser modeler par ces souffles tièdes et denses ; ma chair enfle, et mes doigts, devenus gourds. On entend par intermittences une protestation, un soupir appuyé.
À (…) Lire 

la pipistrelle / un contact même léger suffit

par

La pipistrelle est derrière moi, je peux reprendre la parole, son contact — même léger — suffit. Je ne sais pas pourquoi j’ai chuté mais j’ai chuté. Mon pied a glissé dans l’éboulement. J’avais attendu trop longtemps à la gare, ou bien était-ce ailleurs. Toute cette attente s’est agrégée d’un coup, noire comme un loup. La nuit avait passé en allées et venues pour surveiller les enfants. Il ne fallait pas risquer qu’on les emmène sans qu’ils sachent. Et le vent s’est levé, et là dans ce ravin (…) Lire 

Au balcon

par

Parce que la cinquantième année d’une vie a un son de cloche jubilaire, rappelant que le plus long est fait. Parce qu’en plus elle coïncide avec l’oblitération du vingtième siècle, alors il arrive qu’on se mette au balcon et qu’en-dessous il n’y ait ni rue, ni paysage, mais directement le parcours géographique de sa propre vie. Il y a des balcons soudain panoramiques. De l’un d’eux, j’ai revu ébahi la ligne bancale de mes déplacements, le voyage d’une lézarde sur un mur. Elle partait d’une (…) Lire 

« Dehors la danse »

par

Date : wednesday, march 01, 2000 5:27 pm De : mathilde monnier À : jean-luc nancy Objet : histoire Cher Jean-Luc, juste un complément sur le dehors. Tu sais sûrement qu’au moment où la danse classique est apparue, est apparu avec elle ce qu’en danse nous appelons « l’en dehors » (c’est même ce qui la définit), cet « en-dehors » censé se tourner, s’ouvrir vers la cour, vers le roi (c’était même tout le sens de ce dehors). La danse contemporaine elle, de son côté, est peu à peu retournée vers (…) Lire 

Histoire de V

par

1
Monsieur V, en sortant un matin de chez lui, éprouva une nouvelle sensation de stupidité. Ce n’était pas une stupidité nouvelle ; au contraire, c’était la vieille stupidité habituelle, celle qui avait vécu en sourdine avec lui pendant tant d’années, et qui maintenant affleurait, comme un vieux maître de maison traînant ses savates à travers les pièces à moitié vides.
Comment a-t-elle fait pour ouvrir la porte et occuper les meilleures pièces ? se demanda-t-il. Qui lui a accordé toute (…) Lire 

Chroniques

Un lieu

Israël, le sionisme en miettes

Bifurcations

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« Il n’y a pas et il n’y aura pas de consensus en Israël autre que sioniste, que passant par une nouvelle clarification de l’idéal sioniste. Ce n’est pas un vœu, c’est un fait. » – Pierre Zaoui, « Six jours en Israël », Vacarme 15
« Le consensus, au sens strict, c’est l’idée qu’il y a une objectivité, une univocité des données sensibles. Pour moi il y a politique pour autant qu’on n’est justement pas d’accord sur les données de la situation. Le consensus supprime donc la politique en la (…) Lire 

Aux origines d’un nationalisme

Passons sur la question de l’intérêt, tant tactique que politique, de l’appel au consensus face à l’actuel conflit israélo-palestinien. Nous avons fait des choix différents. En appeler à revisiter le sionisme pose dans tous les cas un double problème. D’une part, cela présuppose une origine du sionisme qui soit aussi quelque chose comme un sionisme originel, auquel on puisse clairement se référer. De l’autre cela postule, sinon une identité, au moins une adéquation entre ce sionisme originel (…) Lire 

La nouvelle histoire israélienne

« La société israélienne a cessé d’être vraiment sioniste : il s’agit maintenant d’une société post-sioniste. Il n’y a plus de consensus dans la mémoire collective de l’Histoire. Chaque groupe, national, ethnique, religieux, sexuel a sa propre mémoire, et l’ensemble de ces mémoires remet en question le courant dominant de l’historiographie traditionnelle. La minorité palestinienne demande maintenant que l’on reconnaisse sa version des événements de 1948, les Sépharades veulent que l’on (…) Lire 

Après Oslo : bantoustans et opposants

La mise en œuvre du « processus d’Oslo », commencée en 1991 pour se formaliser en 1993, résulte de nombreux facteurs au premier rang desquels il faut compter la puissance d’une Intifada qui, de 1987 à 1992, par son caractère massif et continu, a fait franchir un nouveau cap à la délégitimation des mythes sionistes, en particulier parmi la population israélienne.
so long, Oslo
La dénégation fondatrice d’Israël, résumée par l’axiome « un peuple sans terre pour une terre sans peuple », qui (…) Lire 

Une critique en acte du sionisme : les objecteurs de conscience

Israël : société sans classe, soudée par le consensus sioniste, peuple en arme pour défendre sa terre ? S’il n’en a jamais été vraiment ainsi, le mouvement des objecteurs de conscience montre que des failles sont là, ouvertes, et de plus en plus visibles. Il montre, en résonance avec d’autres pratiques contestatrices, que l’emprise de l’idéologie dominante se délite. La normalisation de l’État israélien – souvent invoquée comme repoussoir au fait de considérer sérieusement l’existence, sur (…) Lire 

Bibliographie

Isabelle Avran, Israël Palestine, Les inventeurs de la paix, L’atelier, 2001 Marwan Bishara, Palestine/Israël : la paix ou l’apartheid, La Découverte, 2001 Ilan Greilsammer, La nouvelle histoire d’Israël, Gallimard, 1998 Michael Hardt, Antonio Negri, Empire, Exils éditions, 2000 Éric Hobsbawm, Nations et nationalismes depuis 1780, Pluriel 1992 Ilan Pappe, La guerre de 1948 en Palestine, aux origines du conflit israélo-arabe, La fabrique, 2000 Uri Ram, La société israélienne, aspects (…) Lire 

Israël, le sionisme en miettes
Vacarme 16

Vacarme 16 / été 2001

Rédaction en chef la revue Vacarme

Parution le 2 juillet 2001 Édition Vacarme

Pages 112 ISBN 9782915547870

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